Ci-dessous vous trouverez des photos de portraits inachevés de quelques grands maîtres. Pourquoi les ont-ils laissés ainsi? Pour diverses raisons, j’imagine: peut-être y avait-il un désaccord entre l’artiste et le client sur le style du tableau ou sur une question de paiement, ou bien l’artiste était content que son travail lui serve tout simplement d’étude ou trouvait son tableau très bien ainsi, inachevé. Il peut s’agir éventuellement, et un peu lugubrement, de la mort du modèle ou même de l‘artiste.
Je trouve utile de regarder des œuvres inachevées telles que celles-ci, car elles donnent un aperçu sur le travail en cours de l’artiste et révèlent les méthodes, les idées, les jolis coups de pinceau ou de style et parfois aussi les erreurs et les maladresses des grands maitres.
Je suis tombé sur ce charmant double portrait il y a quelques années lors d’une exposition de tableaux de Van Dyck à Paris. C’est le coup de pinceau que je trouve vraiment exceptionnel. Avec une confiance formidable et une grande maitrise technique, Van Dyck « dessine » les jeunes enfants avec son pinceau – les sourcils et le nez de la princesse à gauche ne sont qu’une douzaine de petite coups en terre de Sienne brulée. Aucune trace de correction n’est à voir. Les perles du collier sont une simple série de petites touches de gris-rose doux et de rehauts blancs. La fossette dans le menton du bébé à droite est d’une simplicité parfaite. Van Dyck a même eu le temps de mettre la forme correcte des coins de la bouche. J’imagine que cette esquisse ne lui a pas pris plus d’une heure.
Ce portrait de jeune homme par Vélasquez est terminé à l’exception des mains qui ne sont que vaguement dessinées en noir et ce d’une façon un peu hésitante. Quand on regarde les radiographies d’autres œuvres de Vélasquez cette hésitation est typique de l’artiste qui, à mi-chemin sur un portrait, changeait d’avis, et déplaçait un bras ou un pied afin d’améliorer la composition. Dans un sens, le portrait est peut-être mieux inachevé, car une main blanche dans le coin en bas à droite aurait pu être un peu mal placée et distrayante.
Ci-dessus, un autre portrait par Velasquez. Ici, il n’a fait que commencer à peindre la robe. A part cela, il n’y a pas grand-chose à tirer de ce tableau mais il s’agit d’un très joli portrait et c’est pour cette raison que je vous le montre.
Dans ce portrait par Hogarth ce qui est frappant, c’est le sourire de la vendeuse et son regard fugace qu’il a su capturer en quelques traits. Certaines valeurs semblent trop clairs, en particulier l’ombre sous le nez. Il semble y avoir quelques traits de crayon sous la joue et le menton, mais je ne peux pas en être sûr depuis cette photo. Contrairement aux autres artistes ici, Hogarth peint la plupart de la toile (certes d’une façon superficielle) avant de terminer le visage du modèle.
Voici un portrait par Johann Zoffany de l’artiste Thomas Gainsborough. Ce que je remarque d’abord c’est le petit format du tableau, à peu près la taille d’une feuille de A4. Zoffany semble avoir posé ses traits sans hésitation et avec une confiance remarquable étant donné le modèle réduit du tableau. On peut voir sa maitrise et son assurance plus particulièrement dans les coups de pinceau qui commencent à définir la redingote et la cravate du modèle. Grace aux nombreux autoportraits de Gainsborough nous pouvons être certains de la grande ressemblance de ce portrait.
Ci-dessus, un portrait de ses filles par Thomas Gainsborough. Des coups de pinceau rapides en terre de Sienne brûlée tracent le contour des bras des modèles. Il manque la grande précision que l’on retrouve dans le Van Dyck ci-dessus. L’oreille de la plus jeune semble placée trop bas sur la tête et un peu trop penchée en arrière, à mon sens. Le chat ne reste qu’une idée vague qui laisse penser qu’il y avait un petit doute chez l’artiste: Gainsbrough, se demandait-il si l’animal était tout à fait nécessaire dans ce tableau?
Même si ce fameux portrait « Athenaeum » de George Washington qui apparaît sur divers timbres-poste et sur le billet d’un dollar n’ait jamais été terminé, de nombreuses copies en ont été peintes (et terminées). Il n’y a pas beaucoup à dire sur le visage qui est d’une excellente ressemblance, sauf éventuellement que l’on n’y voit aucun reflet dans les yeux, même si on peut en voir un sur le bout du nez. Cela n’a rien de très étonnant – bien souvent l’artiste ne peint les reflets que vers la fin de l’évolution du portrait. Ce qui me laisse un perplexe c’est que Stuart progresse d’une façon un peu géométrique quand il peint le fond et semble se servir d’un pinceau bien petit pour le faire. Si Washington semble porter des prothèses dentaires mal ajustées dans ce portrait, c’est parce que c’était bien le cas.
A l’origine, ce portrait faisait partie d’une peinture beaucoup plus grande qui a été découpée. David commence avec un dessin préparatoire au fusain. Je trouve les mains un peu petites par comparaison avec la taille de la tête. J’imagine que David les aurait corrigées plus tard – il avait déjà commencé à corriger le coude. Napoléon semble porter du fard à joue qui me semble peu probable, même en tenant en compte sa grande vanité, mais peut-être que nous voyons ici qu’une couche de peinture inferieure.
Ce portrait de Lawrence se trouve dans la collection permanente de la National Portrait Gallery à Londres. Ici, Lawrence exécute un dessin fort détaillé du modèle en y ajoutant même des valeurs foncées du manteau. Il travail d’une façon méthodique et laisse peu au hasard. Son travail sur le visage est méticuleux et exprime la douce amabilité du modèle.