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Dévoiler le caractère dans le portrait


The MacNab by Sir Henry Raeburn, oil on canvas, 241 x 152cm, c 1814, Diageo plc (on loan to Kelvingrove Art Gallery, Glasgow)

Pour peindre une bonne ressemblance il faut tout simplement un peu de temps et travailler de façon assidue, mais c’est tout à fait autre chose de reproduire le regard qui dévoile le caractère du modèle. Voilà le vrai challenge pour un portraitiste. J’ai choisi ici quelques portraits de vieux maîtres qui les montrent justement relevant ce défi, et avec brio.

Pope Innocent X by Velazquez, 1650, oil on canvas, 140 x 120cm, Galleria Doria Pamphilj, Rome

Ci-dessus, le portrait du grand chef de clan Francis MacNab, «The MacNab» par Henry Raeburn. Quelle tête de cabochard! La bouche s’affaisse revêche, les yeux noirs se renfrognent et les sourcils tonnent. Selon le catalogue de l’exposition de 1997 des œuvres de Raeburn, le MacNab «se comportait au siècle de la raison comme un de ces irréductibles seigneurs féodaux d’antan, tâchant d’ignorer un fardeau lourd de dettes héritées et s’enlisant dans de nombreuses poursuites judiciaires … il considérait que c’était non seulement une erreur, mais une insulte que l’on adresse, lui, le Laird des MacNab par «ce méprisable titre anglo-saxon de Mister». Raeburn m’impressionne tant par sa représentation parfaite que par sa capacité de faire poser ce grand buté suffisamment longtemps pour terminer le portrait.

Avocat de formation, Innocent X est devenu nonce (diplomate du Vatican) avant d’être élu pape en 1644. Il était un des papes les plus astucieux de la Contre-Réforme. Velazquez parvient à insuffler à son portrait un regard rusé et examinateur, d’une intelligence vive et méfiante. Le portrait est particulièrement remarquable pour son manque total de sainteté.

Arthur Wellesley, 1st Duke of Wellington by Sir Thomas Lawrence, oil on canvas, 1814 – Apsley House,

Lawrence a peint ce portrait peu de temps après la victoire de Wellington à Waterloo. Wellington se montre tout à fait le grand maréchal rigoureux et discipliné. En campagne, ce grand travailleur vivait à la spartiate montrant rarement ses émotions. Le regard franc et honnête et les bras solidement croisés donnent le sentiment d’une impressionnante fermeté de caractère. Nous sommes bel et bien en présence du duc de fer.

George Nathaniel Curzon by John Singer Sargent, oil on canvas, 100 x 78cm, 1914, Royal Geographical Society, London

Intelligent, cultivée et éloquent, Lord Curzon semblait destiné à atteindre les plus hauts sommets mais il avait aussi un côté présomptueux, pompeux, arrogant et cassant. Il est devenu vice-roi et gouverneur général de l’Inde et un homme d’état particulièrement compètent et efficace, mais il n’a jamais été premier ministre.

Sargent l’a peint assis, raide comme un piquet, dans le très imposant uniforme de l’Ordre de la Jarretière, toisant fièrement le spectateur*. Malheureusement, une blessure à la colonne vertébrale subie quand il était adolescent, obligeait Curzon à porter un corset métallique, ce qui contribuait à cette impression de rigidité et d’arrogance.

* Pour une explication très complète du portrait, voir John Singer Sargent The Later Portraits par Richard Ormond et Elaine Kilmurray.

Isabella Stewart Gardner in Venice by Anders Zorn, oil on canvas, 90 x 66cm, 1894, Isabella Stewart Gardner Museum, Boston

Vive, pleine de curiosité intellectuelle, d’énergie et de joie de vivre, Isabella Stewart Gardner était collectionneuse d’art et grand mécène. Elle était connue pour son excentricité, ses gouts frappants et son élégance forte et peu conventionnelle,

Selon Hans Henrik Brummer*, « Zorn savait qu’il avait trouvé le bon moment pour son portrait quand il a vu son hôtesse entrer dans le salon depuis le balcon, exaltée après avoir vu des feux d’artifice, et se retournant vers ses invités les bras tendus.» Zorn la trouvait «magnifique comme une princesse, avec une voix charmante qui nous rendait ses esclaves.»

* Co-auteur de Anders Zorn: Sweden’s Master Painter

Lady Ligonier by Thomas Gainsborough, oil on canvas, 236.2 x 154.9 cm, 1770, Huntington Library Art Collections, San Marino, USA

Gainsborough a peint Lady Ligonier avec un regard bien assuré et sa main droite posée sur son déhanchement impudique. Avec une rose entre ses seins, elle se tient avec le coude sur un piédestal orné d’un motif de coquillage – symbole de Vénus. Une statuette d’une bacchante se trouve à sa gauche, dans laquelle on peut discerner un écho de sa pose. Cela donne l’impression d’une femme légère, pas tout à fait comme il faut.

Dans les quelques mois qui ont suivis la réalisation de ce portrait, Lady Ligonier avait entamé une liaison amoureuse avec le comte Vittorio Amadeo Alfieri. Quand le scandale a éclaté, son mari, Lord Ligonier s’est battu en duel avec Alfieri et Lady Ligonier s’est enfuie en France. Lord Ligonier a obtenu un divorce en raison de «conversation criminelle». Lors de l’exposition du tableau quelques mois plus tard, certains critiques ont trouvé le portrait très gracieux et que Lady Ligonier semblait avoir un petit côté…français.

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