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Coups de pinceau


Helen Dunham by John Singer Sargent, oil on canvas, 122 x 81cm, private collection, 1892

De temps en temps je trouve sur internet d’excellentes photos de tableaux de grands maitres et quand elles sont en haute résolution j’arrive à voir de près et en détail le travail de ces artistes.

Dans ce magnifique portrait de Helen Dunham par Sargent, c’est le coup de pinceau que je trouve impressionnant. Si vous regardez bien les reflets clairs de la robe vous constaterez que Sargent les a placés chacuns d’un seul coup. Il a fait de même pour les bras gris du fauteuil et les plis du haut de la robe.

Sargent plaçait une bonne quantité de peinture de la couleur exacte sur son pinceau et tentait, en un seul coup, d’obtenir la forme des détails qu’il cherchait à reproduire. Sargent plaçait ces coups de pinceau rapidement et avec un panache admirable, mais si le résultat n’était pas tout à fait satisfaisant, il éliminerait la rature et recommencerait jusqu’à ce qu’il arrivât à produire l’effet voulu. Le tout était donc soigneusement calculé, même si cela ne se voit pas dans ses tableaux. Ici, la technique donne une fraîcheur admirable au portrait quand on le regarde de loin. De près, l’œuvre témoigne d’une hardiesse étonnante.

Ci-dessus, la Vénus Rokeby de Vélasquez. A la National Gallery de Londres, ce tableau se trouve au bout d’une grande salle et donc en y entrant, on le voit de loin. A cette distance d’à peu près trente mètres, le tableau donne une impression de grande douceur. Velasquez a fortement estompé les bords de sa chair pour donner à cette vénus, un aspect plus tendre et féminin. Et voici un détail du pied à l’extrême gauche du tableau. Une partie de la couleur de la chair est visible à plusieurs centimètres au-dessus du pied dans le drap qui forme l’arrière-plan. Velasquez a-t’ il utilisé un pinceau ou son doigt pour adoucir le bord? Depuis cette photo c’est difficile à dire… en tout cas la finition est certainement efficace.

Ci-dessous est un autre portrait de Vélasquez, celui de son serviteur, Juan de Pareja. Ce que je trouve remarquable ici c’est le bord du visage, au niveau de la pommette à droite.

Voici un détail du tableau qui nous montre justement ce bord. On peut noter que ce bord de visage, qui est net autour de la pommette, s’estompe progressivement jusqu’à ce qu’il devienne relativement flou quand il atteint la ligne des cheveux. Velasquez n’a pas produit cet effet par hasard – il cherchait à produire un effet dur autour de l’os de la joue où la peau est plus mince et un effet doux où les cheveux retrouvent le front et le bord est moins défini.

Voici un portrait par Raeburn, un des meilleurs portraitistes écossais. La légèreté des cheveux autour des oreilles est exceptionnellement bien reproduite.

En regardant de près le détail ci-dessus j’imagine qu’à fin de produire cet effet de duvet blanchâtre, Raeburn s’est servi d’un mélange de blanc de plomb et de noir de fumée et d’un pinceau en soie de porc. Il est question de quelques petits coups habiles et légers sur un fond sec.

Self-portrait, Rembrandt, oil on oak panel, 23.4 x 17.2cm, c.1628, Gemäldegalerie Alte Meister, Kassel

Rembrandt est connu pour ses techniques innovantes. Voici un autoportrait qui date de sa jeunesse. Les boucles de cheveux un peu illuminées ne sont pas peintes. Rembrandt les a produites en grattant la couche supérieure de peinture et ainsi exposant la couche de peinture rouge-dorée en dessous.

Voici un deuxième autoportrait de Rembrandt, peint vers la fin de sa vie. La peau fatiguée du visage pend lourdement sur le crane de ce vieillard. L’artiste reproduit ce sentiment de pesanteur avec un impasto – d’importantes quantités de peinture pour donner un effet de volume et de texture flétrie.

Et un détail du nez que Rembrandt a peint montrant bien les ravages de la vieillesse. Le reflet de lumière sur le nez se manifeste par un vague bégaiement de clarté tout juste visible sur cette chair gonflée et meurtrie par le temps.

Rembrandt était capable d’une honnêteté brutale.

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